Putting Pay Equity into Practice / Mettre l'équité salariale en pratique

L'autoroute de l'équité salariale: Explorer les opportunités et les défis dans l'industrie du camionnage avec Josyanne Pierrat

Episode Summary

Dans cet épisode, l’Unité de l’équité salariale accueille Josyanne Pierrat de l’Association du camionnage du Québec pour discuter de l’équité salariale dans le secteur des transports. En mettant l’accent sur les industries du camionnage et de la logistique, l’épisode met en lumière les disparités existantes entre les femmes et les hommes, les défis liés à la surrèglementation, la pénurie de main-d'œuvre et le manque de représentation des femmes dans l’industrie.

Episode Transcription

[musique]

Eric Diotte: Bienvenue à Mettre l'équité salariale en pratique. Je suis Eric Diotte, directeur de l'Unité d'équité salariale à la Commission canadienne des droits de la personne. Dans ce balado, divers invités de l'industrie se joignent à moi pour discuter de la façon dont ces leaders de l'industrie vivent les opportunités et les défis de l'équité salariale. Joignez-vous à nous pour en savoir plus sur l'équité salariale.

[musique]

Bonjour. Mon nom est Eric Diotte. Je suis le directeur de l'Unité de l'équité salariale de la Commission canadienne des droits de la personne. Je suis accompagné aujourd'hui de maître Josyanne Pierrat. Madame Pierrat est la directrice de la conformité et affaires juridiques de l'association du Camionnage du Québec. Elle est avocate diplômée de l'université d'Ottawa. Elle a 20 ans d'expérience en droit criminel international, en droit du transport et en conformité. Elle a travaillé comme directrice, et directrice principale pour un transporteur routier au Québec. Elle a aussi travaillé comme professeur, conseillère juridique et spécialiste des droits humains.

L'association du camionnage du Québec est une organisation qui sert l'industrie du camionnage depuis 70 ans. Elle est composée de 500 membres composés de transporteurs publics, privés et de fournisseurs de produits et de services liés à l'industrie du camionnage. L'association a la mission de représenter, de conseiller et d'informer ses membres avec l'expertise légale, technique et fiscale. Notre but aujourd'hui est de discuter de l'équité salariale dans l'industrie du transport routier. Tout d'abord, j'aimerais rappeler ce que signifie le concept d'équité salariale.

L'équité salariale, c'est d'offrir un salaire égal pour un travail de valeur égale. Cela signifie que si deux emplois différents apportent une valeur égale aux activités d'un employeur, alors les personnes qui occupent ces emplois devraient recevoir un salaire égal. L'équité salariale n'est pas un salaire égal pour un travail égal, ce qui consiste à comparer le salaire d'emplois similaires dans lesquels les femmes et les hommes font le même travail. Après cette petite introduction, j'aimerais te passer la parole, Josyanne. Pourrais-tu nous offrir un peu d'information sur l'industrie du camionnage sous réglementation fédérale ?

Josyanne Pierrat: Oui, l'industrie du camionnage au Québec et au Canada est une industrie qui est déjà surréglementée. En fait, il y a beaucoup de réglementations au niveau du transport, du transport international et toutes les mesures, les réglementations qui s'appliquent en général aux entreprises sous juridiction fédérale et également aux entreprises sous juridiction provinciale. On sait que l'industrie du camionnage au Canada, il manque 28 000 chauffeurs et qu'il manque 20 000 personnes dans des postes autres dans le transport. On parle des postes au niveau des ressources humaines, des postes de finances, de répartition mécaniciens et conformité, et cetera.

Au Québec, on estime qu'il manque 10 000 postes de chauffeurs et ces autres postes généraux de l'industrie. Tout ça pour vous dire qu'au Québec et au Canada, il y a une énorme pénurie de main-d'œuvre dans une industrie qui est très réglementée. Au Québec, avec le comité sectoriel de main-d'œuvre Camo-Route, en partenariat avec l'association du Camionnage du Québec, nous avons mis sur pied le projet conductrice de camions objectif 10 %. Le projet visait à faire augmenter le nombre de femmes conductrices dans l'industrie et ce projet, qui a duré 3 ans, a pris fin en mars de cette année.

Nous avons vu des résultats très positifs dans les trois dernières années. Nous avons vu, entre autres, le nombre d'inscriptions de femmes dans les centres de formation en transport routier augmenter de 5 %. Avec ces résultats-là, on se dit qu'une fois les études terminées, ces femmes vont se retrouver dans l'industrie du camionnage, vont se trouver des emplois dans les entreprises de transport. La prochaine étape du projet est, bien sûr, de poursuivre les efforts en ce sens, mais ne pas se limiter au poste de conductrice de camions et de faire connaître tous les postes disponibles dans l'industrie du camionnage. Il y a une place pour les femmes dans toutes les sphères de l'industrie.

Eric: Merci Josyanne. Tu parlais des pénuries de main-d'œuvre dans l'industrie du camionnage. Pourrais-tu, s'il te plaît, élaborer sur ce qui est fait pour répondre aux défis actuels de l'industrie.

Josyanne: L'industrie du camionnage a plusieurs défis au niveau de l'embauche. L'âge moyen des camionneurs dans notre industrie au Québec, 49 % des détenteurs de classe 1 et de classe 3 au Québec ont plus de 55 ans. Il y a beaucoup de retraites à prévoir dans les prochaines années. Si on dit qu'on a déjà une pénurie, on manque déjà de 10 000 personnes dans l'industrie, on sait que ce nombre ne va qu'augmenter dans les prochaines années. 

L'image de notre industrie est quelque chose sur laquelle l'association du camionnage mais aussi tous les transporteurs du Québec travaillent. Les jeunes sont moins intéressés en ce moment de se diriger dans l'industrie du camionnage pour plusieurs raisons. La nouvelle génération veut profiter un peu plus de la vie que les générations précédentes, donc de partir aux États-Unis pendant une semaine, ne pas être là pour la famille, ne pas être là pour les activités personnelles. C'est moins attrayant pour plusieurs personnes. 

Au niveau du travail de l'image, on a beaucoup de travail à faire à ce niveau-là. Il y a beaucoup aussi la question de la rémunération dans l'industrie. Dans la rémunération je parle globalement là, pas nécessairement homme/femme, mais la rémunération au mille par exemple peut amener certains défis. On trouve aussi que les différents postes dans l'industrie sont peu connus. On a beaucoup de travail à faire aussi pour faire connaître aux jeunes, aux femmes, aux jeunes hommes et femmes, aux immigrants, les gens qui sont déjà ici, les immigrants qui sont déjà arrivés au pays, les postes dans l'industrie du camionnage. On a aussi beaucoup de travail à faire avec les travailleurs expérimentés.

Eric: Merci Josyanne. En pensant à ces défis, que signifie l'équité salariale et la loi sur l'équité salariale pour ton industrie ?

Josyanne: L'équité salariale dans l'industrie du camionnage au Québec, je pense que le concept est déjà bien compris avec la loi sur l'équité salariale qui présente à travers la CNESST. Ceci étant dit, le défi est de prendre le temps de faire l'analyse et de la mettre sur papier et de faire cet exercice-là dans un contexte qui est très changeant au niveau salarial, qui pourrait amener un déséquilibre au niveau de la structure interne. Les entreprises doivent-- On sait on est en pénurie de main-d'œuvre, on l'a mentionné, donc il y a énormément de compétitivité. Les gens s'arrachent les employés. On veut donner certains bénéfices. Ça va vite, donc faire un plan d'équité salariale dans ce contexte-là, ça amène beaucoup de défis pour les entreprises.

Eric: Oui, j'imagine. Que disent tes membres au sujet de la loi sur l'équité salariale ?

Josyanne: Les entreprises se disent conformes, se disent prêtes. Maintenant, il faut mettre le tout sur papier. On revient souvent au sujet de la pénurie de main-d'œuvre, pas seulement chez des chauffeurs de camions, mais aussi à l'interne. Ils ont plusieurs analyses à faire à travers différentes réglementations au niveau fédéral. Donc ça prend énormément de temps chez les employeurs pour se brancher et bien faire le travail. Ceci dit, c'est un sujet qui est important. On veut des femmes dans l'industrie, on veut des hommes dans l'industrie, et on veut que valeur égale, paie égale. Des entreprises sont prêtes à faire le travail. Ils ont besoin d'outils. On est là pour communiquer cette information-là, l'information qui a comme mission des outils que vous préparez, les webinaires que vous donnez, tous les documents, les liens internet, les documents Word, Excel, etc. Nous on est la voix, on est là pour donner ces informations-là et aider l'industrie à se conformer.

Eric: Je dois avouer, c'est très rassurant pour nous que vous soyez là pour diffuser ces ressources sur lesquelles on a tellement travaillé. C'est l'objectif de notre équipe de préparer des ressources, des outils qui sont pratiques. On accueille chaleureusement la participation d'organismes comme le tien et d'autres qui peuvent nous donner des conseils sur la façon d'élaborer des outils qui sont pratiques.

Josyanne: Je pense que c'est une question de-- On le dit, les gens sont occupés, ils doivent faire avancer leur business, leur entreprise. Ils ont des contrats, ils ont des opérations à gérer. L'idée c'est d'être là pour les aider et faciliter leur travail, tout simplement de communiquer et de répéter les échéanciers : « La phase 1 est terminée, on commence la phase 2. Quels documents vous aurez besoin en phase 2 ? Qu'est-ce que vous aurez besoin de mettre en place en comité, pas de comité ? Est-ce que vous devez faire plus d'un plan, seulement un plan ? ». C'est sûr que c'est des questionnements qui reviennent. L'important c'est de répéter l'information, et que l'information et les outils soient disponibles, et qu'ils soient faciles à trouver.

Eric: Oui, c'est vrai. Parlons justement des phases d'élaboration d'un plan d'équité salariale. Pourrais-tu nous dire où en sont les employeurs dans le processus d'équité salariale ?

Josyanne: C'est un petit peu difficile à répondre à cette question-là, puisqu'on a des entreprises-- Les membres de l'association sont de différentes-- On a des petites entreprises, des plus grandes entreprises. Je sais que beaucoup se redirigent vers des firmes externes pour les aider à faire l'analyse. Par contre, ce ne sont pas toutes les entreprises qui peuvent se permettre de travailler avec des firmes externes. C'est du travail en continue, mais d'aller dans les détails où sont rendues les entreprises, je pense que 2023 va être l'année charnière pour tout le monde, effectivement.

Eric: Si je peux me permettre de te poser une question un peu plus difficile. Penses-tu que les employeurs sont conscients qu'ils vont être obligés de produire et d'afficher leur plan en 2024 ? Est-ce qu'ils sont conscients de l'échéancier rapproché ?

Josyanne: Oui, c'est certain que les entreprises doivent garder à l'esprit que cette date arrive et qu'il y a quand même un processus administratif par lequel ils doivent passer et impliquer les employés. Ce n'est pas un processus qui se fait à l'intérieur d'un mois. C'est plusieurs mois. Moi j'aurais une question : Comment bien se préparer ? Quel est le conseil donné aux entreprises de transport ?

Eric: C'est une très bonne question. Ça dépend évidemment de la grandeur de l'entreprise. Si par exemple on parle d'un petit employeur, avec moins de 99 employés, qui ne sont pas syndiqués, c'est l'employeur lui-même qui développe le plan. Peut-être que ça prend moins de temps que si le plan doit être créé en comité. Même si c'est l'employeur qui le développe seul, des questions difficiles peuvent se poser. Dans ce cas, il pourra vouloir consulter notre unité pour avoir des réponses. Par exemple, l'employeur pourrait avoir besoin d'un outil comme un guide sur l'évaluation des emplois. 

On a justement développé une trousse d'outils d'équité salariale qui pourrait être très pratique pour les petits employeurs. Ça comprend notamment un guide d'évaluation des emplois et un outil Excel pour créer le plan d'équité salariale. Ça permet à l'employeur d'entrer ses données, et l'application va faire les calculs pour déterminer s'il y a un accord salarial. C'est une trousse très utile, mais il faut tout de même prendre le temps de lire le guide, de comprendre comment ça marche. Ce n'est pas seulement d'entrer les données, et le plan est produit en une heure. Ça prend du temps. Il faut suivre chaque étape. Par exemple, il faut évaluer chaque catégorie d'emploi. Je conseille à tous les employeurs de commencer dès maintenant, si ce n'est pas déjà fait, de ne pas laisser traîner. Si on doit créer le plan en comité, il faut prendre en compte le temps pour les discussions, les négociations, les va-et-vient. Un an et demi n'est pas beaucoup de temps pour élaborer un plan en comité. On recommande que des employeurs commencent tout de suite.

Josyanne: Pour comparer, est-ce que dans le plan d'évaluation des emplois, on prend, par exemple, le métier de mécanicien, de véhicules lourds, qui est un métier à prédominance masculine, et on le compare avec un poste dans notre entreprise qui, en général, est un poste à prédominance féminine ? Là, on fait les descriptions de poste et on fait l'évaluation de ces postes-là avant de mettre cette information dans le chiffrier Excel. Ça, c'est sûr que c'est très utile surtout pour les petites entreprises de transport où on sait que le propriétaire peut avoir plusieurs chapeaux, et les employés dans l'entreprise peuvent avoir aussi plusieurs chapeaux. Donc, des outils qui vont les aider à faire l'analyse, c'est sûr que c'est très utile. Comment fait une entreprise de transport de 20 personnes et il n'y a que des hommes dans cette entreprise-là, pas parce qu'ils ne veulent pas engager de femmes, il n'y en a juste pas.

Eric: Oui, c'est une bonne question. Ça n'arrive pas souvent qu'il n'y a pas de femme dans une entreprise, mais ça peut arriver. J'imagine tes membres vont peut-être trouver ça un peu étrange, mais ils sont quand obligés de déposer un rapport annuel auprès de notre unité qui indique qu'il n'y a pas de catégorie d'emploi féminine. On doit quand même cocher la cage qui confirme qu'on a fait l'exercice nécessaire pour vérifier qu'il n'y a pas de catégorie féminine dans le milieu de travail. Il peut toujours arriver qu'une femme arrive dans l'entreprise, par exemple, dans un poste de ressources humaines, l'employeur pourrait avoir une catégorie d'emploi féminine et il devrait faire toute l'analyse d'équité salariale.

Josyanne: Je pense que de produire de l'information, on continue sur différents médiums, c'est ce qu'ils ont besoin, et développer des outils simples que la commission fait déjà, et c'est de faire connaitre ces outils-là à travers des organismes, des associations comme la nôtre, à travers les réseaux sociaux, et les connexions à travers les réseaux sociaux. Notre organisation est capable de retransférer ou de republier vos publications. Je pense que c'est ce que les employeurs ont besoin. Avec l'Association du camionnage du Québec, on a déjà fait un webinaire avec la commission sur ce sujet-là. Je pense que ça pourrait être important de refaire cet exercice-là dans la prochaine année.

Eric: Très bien. Si je peux seulement prendre deux minutes pour encourager tes membres à consulter le site web de l'équité salariale de la Commission canadienne des droits de la personne. Si un employeur ne trouve pas ce qu'il cherche, il a toujours l'option de communiquer avec nous. En ce qui a attrait à l'outil Excel que j'ai mentionné auparavant, nous visons surtout les petits et moyens employeurs, il est disponible pour tout le monde sur notre site web dans la section « Outils et ressources ».

Josyanne: On va s'assurer de communiquer l'information.

Eric: Merci beaucoup d'avoir été mon invité aujourd'hui. J'ai beaucoup apprécié la conversation.

[musique]

C'était Mettre l'équité salariale en pratique. N'oubliez pas de visiter le www.equitésalarialeccdp.ca pour toutes les nouvelles sur l'équité salariale. Vous pouvez également nous suivre sur LinkedIn. Il suffit de chercher Unité de l’équité salariale. Je m'appelle Éric Diotte. Merci de nous avoir écoutés.

 

[FIN DE L'AUDIO]